8 ème extrait, la cour des Allosaurus.

Le soleil avait commencé à décliner dans le ciel, donnant une atmosphère rougeoyante à la plage, insufflant des airs de brasier à la falaise qui se dressait devant elle. Kim marchait seule depuis déjà plus d’une heure. Après avoir prodiguée les premiers soins à Caroline. Ayant trouvée la trousse de premier secours, elle lui avait soulagé la douleur en lui apposant des glaçons qu’elle avait trouvé dans la cuisine, puis au bout de quinze minutes lui avait bandé la cheville sans trop la serré et demandé de rester allongée, la jambe surélevée pendant deux ou trois heure, en prenant soin de remettre des glaçons au bout de ce laps de temps et de rebander sa cheville ensuite. La jeune médecin savait que Patrick s’occuperait de sa femme, alors elle avait décidé d’aller faire un tour, et malgré les recommandations de Marc, s’était permise de s’éloigner du bateau. Souhaitant se retrouver un peu seule, le temps de reprendre un peu le contrôle d’elle-même et de digérer tout ce qu’il venait de lui arriver. Donc, elle marchait là, d’un pas tranquille, écoutant le ressac, regardant droit devant, le visage face au vent du soir qui commençait à souffler, sa longue chevelure rousse virevoltant tel un feu indomptable. La jeune femme sentait les embruns lui caresser la peau. Elle ferma les yeux quelques secondes en s’arrêtant, respirant profondément.

Kim rouvrit les yeux et les leva au ciel. Elle vit les quelques petits nuages roses orangés se déplaçant lentement sur un fond enflammé. Des oiseaux volant haut dans le ciel, semblaient se laisser porter paisiblement, se dirigeant vers le large. La nuit allait vite tomber, d’ici moins d’une heure et demi assurément. Il lui fallait donc rebrousser chemin avant qu’elle n’y voit plus rien et que quelqu’un s’inquiète de ne pas la voir revenir. 

La jeune femme allait se mettre en route lorsqu’elle entendit un son rauque et caverneux. Elle tendit l’oreille. Le bruit se répéta plusieurs fois d’affiler. Kim chercha d’où il pouvait venir, se concentrant. Cela semblait venir de derrière la falaise. Elle l’entendit de nouveau, suivit d’une sorte de râle aiguë. Puis il y eu une série de cris, magnifique, comme des chants de petites baleines. La jeune femme se tourna face à la falaise et fut surprise d’y apercevoir une ouverture. L’entrée de ce qui semblait être une grotte. D’une hauteur de plus de deux mètres et d’une largeur d’au moins quatre mètres. Elle se présentait là comme une bouche ouverte sur la plage. Les sons rauques recommencèrent. 

Kim s’approcha de l’ouverture, située à une trentaine de mètres. Elle s’avança d’un pas rapide et se posta juste devant le trou béant. Les sons saccadés raisonnèrent, puis il y eu un nouveau chant. La femme en était sûre, les bruits venaient de l’autre côté. A les écouter, elle avait l’impression que les chants répondaient aux sons rauques, il y avait communication. Après confirmation du comportement territorial et opportuniste des mosasaures, qu’allait-elle découvrir ici ?

Kim n’était pas sûre qu’il faille aller voir ce qu’il se passait, mais la mélodie des appels forçait sa curiosité. Elle se tenait contre le mur de roche, continuant d’écouter en jetant un coup d’œil sur sa droite. De là où elle se trouvait, elle ne voyait plus le bateau. Les chants raisonnèrent plus fort encore dans la cavité lithographique. Kim s’avança dans la demie pénombre de la grotte, gardant une main sur la paroi crevassée. Elle sentit le suintement de l’eau qui passait au travers des failles et autres cassures dans la roche. Le sol était jonché de pierres et la demoiselle dû faire attention à bien lever les pieds pour éviter de trébucher sur l’une d’entre elle. La jeune femme n’y voyait pas grand-chose, mais une lueur commençait à éclairer les parois face à elle. Kim avait déjà dû parcourir une vingtaine de mètres et les sons raisonnèrent encore plus fort. Cette fois-ci, les deux cris semblaient se mêler, comme s’ils se faisaient écho, semblant vouloir former une certaine harmonie. La jeune médecin continua son avancée, faisant toujours attention à ne pas trébucher sur une pierre mais également dorénavant à ne pas en faire rouler une, elle voulait éviter de se faire remarquer, frôlant toujours le mur humide. Quelques gouttes d’eau tombaient du plafond, s’écrasant sur le sol dur dans de petits clapotis. Des flaques se formaient, se transformant en de fin ruisseaux. La paroi forma alors un coude et le tunnel se dirigea vers la droite. 

Kim pu alors en voir le bout. Elle aperçut un amas de fougères et de buissons se dresser face à la lumière. La jeune femme s’avança d’un pas plus rapide, sortant de la grotte accompagnée par un énorme râle accompagné de légers cliquetis. Le vacarme lui fit presque mal aux oreilles. La végétation lui bouchait la vue. Tout en continuant d’avancer, écartant fougères et branches, elle entendit des oiseaux s’envoler à travers les arbres qui l’entouraient. De petits mammifères, sûrement de petits rongeurs, fuirent en poussant de petits cris en la voyant arriver. Les longs râles se faisant échos continuaient, se mélangeant selon une série de notes plus ou moins longues, plus ou moins rapprochées.

Kim écarta les dernière fougères, et resta stupéfaite par ce qu’elle vit. Là au milieu d’une cuvette gigantesque, aux pentes recouvertes d’une végétation dense, au cœur de la falaise, baignée par la lumière de feu du crépuscule naissant, les deux dinosaures se tenaient l’un contre l’autre, flanc contre flanc, relevant et baissant leur tête aux larges mâchoires remplient de dents meurtrières, dans le même rythme. Ils hurlaient tous deux en même temps en relevant leurs crânes vers le ciel. Les deux carnivores à la peau verte, couverte de rayures brunes, mesuraient à peu près la même taille, soit environ neuf mètres de long pour une hauteur de trois mètres cinquante. Ils possédaient un cou plutôt long et flexible, de longs bras terminés par des mains à trois doigts munis de longues griffes acérées. Leur pattes postérieurs étaient longues et fuselées, mais semblaient être tout de même puissantes, et se terminaient par des pieds à trois doigts griffus. Leur crânes étaient parcourus par des arrêtes osseuses, allant du museau jusqu’aux dessus des yeux, se terminant par ce qui ressemblait à de petites cornes. Ces arrêtes étaient orange chez l’individu de gauche et rouge vif chez l’autre. L’animal aux crêtes rouges s’écarta légèrement, laissant l’autre se baisser, allongeant la partie avant de son corps sur le sol, laissant ses postérieurs à demi relevées, déployant ainsi son arrière train en l’air, maintenant sa longue queue de côté. Le second animal se plaça juste derrière, baissa la tête, et sembla renifler ce qui qui lui était présenté. Puis il releva son corps et colla son bassin à l’autre. Les cris reprirent de plus belle, une symphonie de hurlements plus ou moins aiguës. Kim comprit ce qu’il se passait. Elle assistait à l’accouplement de deux allosaures et le mâle était en train de féconder la femelle sous ses yeux.

Ce dernier frotta alors délicatement les griffes de ses bras sur la peau des flancs de la femelle, ce qui déclencha chez elle une série de glapissements, commençant alors à agiter son arrière train contre le ventre du mâle. Celui-ci releva la tête en arrière et lâcha un long rugissement accompagné par une volée d’oiseaux effrayés, la peau de son corps entier changea subitement de couleur, virant au doré, le rendant magnifique aux yeux de la jeune femme qui restait sans bouger observant toujours la scène. L’allosaure mâle alla alors refermer ses mâchoires sur l’encolure de la femelle, la maintenant ainsi, pendant que les deux énormes corps se mouvaient dans un rythme emplie de sensualité. La femelle continuait à glapir, lâchant de temps à autres de longs rugissements aiguës, tandis que le mâle soufflait par les naseaux, la gueule toujours refermée sur le cou de sa partenaire.

Au bout d’une dizaine de seconde, il lâcha enfin prise, ses bras plaqués contre les flancs de la femelle. Il releva la tête une dernière fois et rugit longuement. Puis il finit par se reculer, agitant vigoureusement sa queue, son corps reprenant petit à petit ses couleurs d’origines. Sa compagne se releva, s’aidant de ses bras pour ne pas basculer en avant, puis se secoua la tête et le cou. Les deux animaux se caressèrent de nouveau, crâne contre crâne en émettant des sortes de ronronnements. Le mâle fit quelques sons, comme des marmonnements, ouvrant et fermant la gueule. La femelle répondit par un long souffle. Son compagnon regarda alors en direction des bois et s’y dirigea. Elle le suivit de près. Les deux carnivores disparurent en peu de temps derrière la végétation qui englobait l’énorme cuvette.

Kim ne bougea pas, sa respiration était saccadée. Ce qu’elle venait de voir était tout bonnement extraordinaire, n’ayant encore jamais eu la chance de voir un tel comportement chez les dinosaures. Et pourtant elle avait fait plusieurs excursions en compagnie d’Arnold, il lui avait appris tout ce qu’il savait sur ces animaux, mais il n’avait jamais réellement abordé quelques sujets que ce soit sur le comportement sexuel des grands sauriens carnivores du secondaire. La jeune femme pensait alors que ce dernier n’avait jamais eu la chance d’être là pour assister à la reproduction. Ces animaux étaient peut être discret, se disait-elle alors, cherchaient-ils probablement à se protéger en se cachant des autres prédateurs, pendant qu’ils étaient dans un moment où ils se sentaient vulnérables. Après tout elle en avait eu la preuve, ces allosaures s’étaient cachés au fin fond d’une cuvette. Kim pensa alors à son compagnon, se disant que si elle l’avait vu, lui aussi l’avait vu, à travers ses yeux. Un sourire s’afficha sur son visage, puis  fermant les yeux, laissa le vent lui caresser le visage.  La jeune femme eut un frisson lorsqu’elle eut l’impression d’une présence à ses côtés. Kim rouvrit les yeux et secoua la tête en se disant qu’elle était folle de penser que ce pauvre Arnold se tenait à ses côtés.

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