Le soleil avait commencé à décliner dans le ciel, donnant
une atmosphère rougeoyante à la plage, insufflant des airs de brasier à la
falaise qui se dressait devant elle. Kim marchait seule depuis déjà plus d’une
heure. Après avoir prodiguée les premiers soins à Caroline. Ayant trouvée la
trousse de premier secours, elle lui avait soulagé la douleur en lui apposant
des glaçons qu’elle avait trouvé dans la cuisine, puis au bout de quinze
minutes lui avait bandé la cheville sans trop la serré et demandé de rester
allongée, la jambe surélevée pendant deux ou trois heure, en prenant soin de
remettre des glaçons au bout de ce laps de temps et de rebander sa cheville
ensuite. La jeune médecin savait que Patrick s’occuperait de sa femme, alors
elle avait décidé d’aller faire un tour, et malgré les recommandations de Marc,
s’était permise de s’éloigner du bateau. Souhaitant se retrouver un peu seule,
le temps de reprendre un peu le contrôle d’elle-même et de digérer tout ce
qu’il venait de lui arriver. Donc, elle marchait là, d’un pas tranquille,
écoutant le ressac, regardant droit devant, le visage face au vent du soir qui
commençait à souffler, sa longue chevelure rousse virevoltant tel un feu
indomptable. La jeune femme sentait les embruns lui caresser la peau. Elle
ferma les yeux quelques secondes en s’arrêtant, respirant profondément.
Kim rouvrit les yeux et les leva au ciel. Elle vit les
quelques petits nuages roses orangés se déplaçant lentement sur un fond
enflammé. Des oiseaux volant haut dans le ciel, semblaient se laisser porter
paisiblement, se dirigeant vers le large. La nuit allait vite tomber, d’ici
moins d’une heure et demi assurément. Il lui fallait donc rebrousser chemin
avant qu’elle n’y voit plus rien et que quelqu’un s’inquiète de ne pas la voir
revenir.
La jeune femme allait se mettre en route lorsqu’elle
entendit un son rauque et caverneux. Elle tendit l’oreille. Le bruit se répéta
plusieurs fois d’affiler. Kim chercha d’où il pouvait venir, se concentrant.
Cela semblait venir de derrière la falaise. Elle l’entendit de nouveau, suivit
d’une sorte de râle aiguë. Puis il y eu une série de cris, magnifique, comme
des chants de petites baleines. La jeune femme se tourna face à la falaise et
fut surprise d’y apercevoir une ouverture. L’entrée de ce qui semblait être une
grotte. D’une hauteur de plus de deux mètres et d’une largeur d’au moins quatre
mètres. Elle se présentait là comme une bouche ouverte sur la plage. Les sons
rauques recommencèrent.
Kim s’approcha de l’ouverture, située à une trentaine de
mètres. Elle s’avança d’un pas rapide et se posta juste devant le trou béant.
Les sons saccadés raisonnèrent, puis il y eu un nouveau chant. La femme en
était sûre, les bruits venaient de l’autre côté. A les écouter, elle avait
l’impression que les chants répondaient aux sons rauques, il y avait
communication. Après confirmation du comportement territorial et opportuniste
des mosasaures, qu’allait-elle découvrir ici ?
Kim n’était pas sûre qu’il faille aller voir ce qu’il se
passait, mais la mélodie des appels forçait sa curiosité. Elle se tenait contre
le mur de roche, continuant d’écouter en jetant un coup d’œil sur sa droite. De
là où elle se trouvait, elle ne voyait plus le bateau. Les chants raisonnèrent
plus fort encore dans la cavité lithographique. Kim s’avança dans la demie
pénombre de la grotte, gardant une main sur la paroi crevassée. Elle sentit le
suintement de l’eau qui passait au travers des failles et autres cassures dans
la roche. Le sol était jonché de pierres et la demoiselle dû faire attention à
bien lever les pieds pour éviter de trébucher sur l’une d’entre elle. La jeune
femme n’y voyait pas grand-chose, mais une lueur commençait à éclairer les
parois face à elle. Kim avait déjà dû parcourir une vingtaine de mètres et les
sons raisonnèrent encore plus fort. Cette fois-ci, les deux cris semblaient se
mêler, comme s’ils se faisaient écho, semblant vouloir former une certaine
harmonie. La jeune médecin continua son avancée, faisant toujours attention à
ne pas trébucher sur une pierre mais également dorénavant à ne pas en faire
rouler une, elle voulait éviter de se faire remarquer, frôlant toujours le mur
humide. Quelques gouttes d’eau tombaient du plafond, s’écrasant sur le sol dur
dans de petits clapotis. Des flaques se formaient, se transformant en de fin ruisseaux. La paroi
forma alors un coude et le tunnel se dirigea vers la droite.
Kim pu alors en voir le bout. Elle aperçut un amas de
fougères et de buissons se dresser face à la lumière. La jeune femme s’avança
d’un pas plus rapide, sortant de la grotte accompagnée par un énorme râle
accompagné de légers cliquetis. Le vacarme lui fit presque mal aux oreilles. La
végétation lui bouchait la vue. Tout en continuant d’avancer, écartant fougères
et branches, elle entendit des oiseaux s’envoler à travers les arbres qui
l’entouraient. De petits mammifères, sûrement de petits rongeurs, fuirent en
poussant de petits cris en la voyant arriver. Les longs râles se faisant échos
continuaient, se mélangeant selon une série de notes plus ou moins longues,
plus ou moins rapprochées.
Kim écarta les dernière fougères, et resta stupéfaite par
ce qu’elle vit. Là au milieu d’une cuvette gigantesque, aux pentes recouvertes
d’une végétation dense, au cœur de la falaise, baignée par la lumière de feu du
crépuscule naissant, les deux dinosaures se tenaient l’un contre l’autre, flanc
contre flanc, relevant et baissant leur tête aux larges mâchoires remplient de
dents meurtrières, dans le même rythme. Ils hurlaient tous deux en même temps
en relevant leurs crânes vers le ciel. Les deux carnivores à la peau verte,
couverte de rayures brunes, mesuraient à peu près la même taille, soit environ
neuf mètres de long pour une hauteur de trois mètres cinquante. Ils possédaient
un cou plutôt long et flexible, de longs bras terminés par des mains à trois
doigts munis de longues griffes acérées. Leur pattes postérieurs étaient
longues et fuselées, mais semblaient être tout de même puissantes, et se
terminaient par des pieds à trois doigts griffus. Leur crânes étaient parcourus
par des arrêtes osseuses, allant du museau jusqu’aux dessus des yeux, se
terminant par ce qui ressemblait à de petites cornes. Ces arrêtes étaient
orange chez l’individu de gauche et rouge vif chez l’autre. L’animal aux crêtes
rouges s’écarta légèrement, laissant l’autre se baisser, allongeant la partie
avant de son corps sur le sol, laissant ses postérieurs à demi relevées,
déployant ainsi son arrière train en l’air, maintenant sa longue queue de côté.
Le second animal se plaça juste derrière, baissa la tête, et sembla renifler ce
qui qui lui était présenté. Puis il releva son corps et colla son bassin à
l’autre. Les cris reprirent de plus belle, une symphonie de hurlements plus ou
moins aiguës. Kim comprit ce qu’il se passait. Elle assistait à l’accouplement
de deux allosaures et le mâle était en train de féconder la femelle sous ses
yeux.
Ce dernier frotta alors délicatement les griffes de ses
bras sur la peau des flancs de la femelle, ce qui déclencha chez elle une série
de glapissements, commençant alors à agiter son arrière train contre le ventre
du mâle. Celui-ci releva la tête en arrière et lâcha un long rugissement
accompagné par une volée d’oiseaux effrayés, la peau de son corps entier
changea subitement de couleur, virant au doré, le rendant magnifique aux yeux
de la jeune femme qui restait sans bouger observant toujours la scène.
L’allosaure mâle alla alors refermer ses mâchoires sur l’encolure de la
femelle, la maintenant ainsi, pendant que les deux énormes corps se mouvaient
dans un rythme emplie de sensualité. La femelle continuait à glapir, lâchant de
temps à autres de longs rugissements aiguës, tandis que le mâle soufflait par
les naseaux, la gueule toujours refermée sur le cou de sa partenaire.
Au bout d’une dizaine de seconde, il lâcha enfin prise, ses
bras plaqués contre les flancs de la femelle. Il releva la tête une dernière
fois et rugit longuement. Puis il finit par se reculer, agitant vigoureusement
sa queue, son corps reprenant petit à petit ses couleurs d’origines. Sa
compagne se releva, s’aidant de ses bras pour ne pas basculer en avant, puis se
secoua la tête et le cou. Les deux animaux se caressèrent de nouveau, crâne
contre crâne en émettant des sortes de ronronnements. Le mâle fit quelques
sons, comme des marmonnements, ouvrant et fermant la gueule. La femelle
répondit par un long souffle. Son compagnon regarda alors en direction des bois
et s’y dirigea. Elle le suivit de près. Les deux carnivores disparurent en peu
de temps derrière la végétation qui englobait l’énorme cuvette.
Kim ne bougea pas, sa respiration était saccadée. Ce
qu’elle venait de voir était tout bonnement extraordinaire, n’ayant encore
jamais eu la chance de voir un tel comportement chez les dinosaures. Et
pourtant elle avait fait plusieurs excursions en compagnie d’Arnold, il lui
avait appris tout ce qu’il savait sur ces animaux, mais il n’avait jamais
réellement abordé quelques sujets que ce soit sur le comportement sexuel des
grands sauriens carnivores du secondaire. La jeune femme pensait alors que ce dernier
n’avait jamais eu la chance d’être là pour assister à la reproduction. Ces
animaux étaient peut être discret, se disait-elle alors, cherchaient-ils
probablement à se protéger en se cachant des autres prédateurs, pendant qu’ils
étaient dans un moment où ils se sentaient vulnérables. Après tout elle en
avait eu la preuve, ces allosaures s’étaient cachés au fin fond d’une cuvette.
Kim pensa alors à son compagnon, se disant que si elle l’avait vu, lui aussi
l’avait vu, à travers ses yeux. Un sourire s’afficha sur son visage, puis fermant les yeux, laissa le vent lui caresser
le visage. La jeune femme eut un frisson
lorsqu’elle eut l’impression d’une présence à ses côtés. Kim rouvrit les yeux
et secoua la tête en se disant qu’elle était folle de penser que ce pauvre
Arnold se tenait à ses côtés.
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